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Eva JOSPIN

Forêt 12

2014

Bois et carton
250 x 360 x 40 cm

C’est le vent qui murmure dans les feuilles mortes

« Mi ritrovai per una selva oscura » (1)

C’est avec patience qu’Eva Jospin élabore ses œuvres ; c’est avec patience qu’il faut les observer et même les vivre. L’artiste travaille le carton – matériau a priori brut, sans attrait ni apprêt – pour concevoir volume et perspective. C’est une certaine vision d’un art dit « pauvre », portant une attention soutenue au matériau, à l’implication physique de l’artiste et au contexte spatial de sa présentation. Une dichotomie est présente dans ce labeur, entre violence du geste (déchirer et lacérer le carton) et finesse du résultat final, lorsqu’elle apparaît subtilement ouvragée. Un long travail de découpage, d’assemblage et de superposition, lui permet en effet de ciseler des forêts denses et délicates, mystérieuses et apaisantes. Les observer est une expérience esthétique mystérieuse et troublante, elles dessinent un paysage mental et onirique qui nous conduit jusqu’à « ces districts de l’âme où se ramifient les végétations monstrueuses de la pensée. » (2)

Comme le décor d’un rêve longtemps oublié, les œuvres d’Eva Jospin sont d’une puissance évocatrice singulière. Seul face à ces forêts, le regardeur ne peut empêcher son esprit de divaguer. Il en est ainsi des forêts dans lesquelles on se perd, littéralement. L’ambiguïté de ces pièces inspirées par la peinture de paysage classique ou le land art réside entre autres dans leur identité plurielle : à la fois tableau, sculpture, haut-relief… Regarder chaque nouvelle création de l’artiste est une expérience tout autant visuelle qu’immersive. Au-delà de cette expérience sensorielle, on peut également parler d’écran, sur lequel chacun est susceptible de projeter sa propre interprétation : la forêt n’est-elle pas le lieu de tous les possibles ? C’est en tout cas ce que les contes de fées nous ont appris. Une autre facette du travail d’Eva Jospin est de réveiller notre part d’enfance : face à ce corpus, nous sommes aussi émerveillés que potentiellement inquiets.

Daria de Beauvais – Tiré du catalogue Eva Jospin, Galerie Suzanne Tarasieve, Paris, 2015


(1) « Il arriva que je m’égarai dans une forêt sombre », Dante Alighieri, La Divine Comédie : L’Enfer, Chant I (la forêt obscure), première édition posthume de 1475. Traduction de Jacques-André Mesnard, 1854
(2) Joris-Karl Huysmans, À Rebours, 1884

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